jeudi 15 octobre 2015

Bag of Bones [épisode 15]



La grande différence entre Björk et les Bag of Bones, tu vois, c’est que nous, si on devait jouer dans un grand festival de rock, on n’annulerait pas notre tournée au dernier moment. Dans les Bones, on a le respect du public, on est comme ça, le cœur sur la main, on donne tout ce qu’on a dans le ventre, on fout pas toute une orga dans la merde une semaine avant le concert. Y’a des choses qui se font pas, c’est tout.
            Bon, il faut dire que nous, pour l’instant, on en est encore au stade où jouer dans un festoche d’été, c’est le rêve, quoi. Forcément, si on nous en donne l’occase, on va pas se barrer juste avant pour se faire remplacer par Foals, ils seraient capables d’être meilleurs que nous !
            Tout ça pour dire qu’à partir du moment où on a réussi à s’inscrire pour le off des Trois Ef, il était hors de question que l’un de nous tombe malade, se blesse ou se fasse enlever par des aliens. Ce genre de faute professionnelle, t’oublies tout de suite. C’est encore grâce à Florian qu’on a pu jouer. Entre deux bières au 6par4 il a réussi à tanner Jeff Foulon et à lui refiler notre démo, et nous voilà programmés avec les autres, avec le nom du groupe sur les affiches, notre photo dans la brochure officielle du machin, tout ça… Y’a pas à dire mais Florian, depuis qu’il a quitté le groupe, il est devenu vachement utile !
            Évidemment, on a répété comme des bêtes pour le grand jour. Moi, je voulais prouver au monde entier, à commencer par la presse locale, que mon jeu de batterie n’était pas pourri du tout. J’ai quasiment pris des cours particuliers avec Steven à la basse, et vas-y qu’on s’accorde, et vas-y qu’on joue bien bien ensemble, bien carré, impec. J’étais chaud bouillant. Du coup j’ai chopé un rhume pile poil pour le grand jour, mais j’ai quand même fait le show, moi, je suis pas une vulgaire chanteuse islandaise…

            On n’est pas encore les pros de l’organisation, on met en moyenne deux fois plus de temps qu’un groupe normal à s’installer et à faire nos balances, mais bon, on se débrouille comme on peut. Noémie avait le vent de face, quand elle chantait toute sa voix lui revenait dans la gorge, si bien que le public a dû croire qu’on était un groupe instrumental. Heureusement que Noémie, c’est comme une haleine mentholée dans un champ de tulipes (ouais, je sais pas trop bien ce que ça vaut, comme image, ça), sinon les gens auraient sûrement fini par se demander ce qu’elle foutait là. Adrien n’a même pas cassé de cordes, et il était presque encore bien accordé à la fin du concert. Autant dire qu’on a mis le feu. J’ai même vu des gens danser, c’est plutôt bon signe. Notre musique devait y être pour quelque chose, on peut pas tout mettre sur le dos de l’alcool non plus…

Tranzistor n°57, octobre 2015.